Image réalisée par Théo C. (Voltiv)


Retranscription d’une interview vocale de Mass par AsgardOdin, un jeudi soir d’avril à 1h du matin.


Mass, commençons par ça, si tu le veux bien : En trois phrases, c’est quoi l’immersion ?

L’immersion, comme je le vois, après chacun a sa définition, c’est comment vivre son personnage à l’intérieur d’un univers, en totale cohérence, à la fois vis-à-vis de l’univers, de son personnage et de ses partenaires, être immergé dans l’histoire.

Du coup l’immersion c’est être toujours roleplay c’est ça que tu veux dire ?

Pour ça faudrait savoir ce que ça veut dire roleplay. L’immersion ça n’est pas forcément du roleplay, on peut passer à la troisième personne, ça pose pas de problèmes, mais il faut quand même rester dans une vision où tu joues plus le rôle que tu fais du jeu d’un point de vue ludique, où l’important c’est les tableaux de réussite ou les choses comme ça. L’important c’est plus le rôle que les règles, si je veux être un peu polémique.

Ce qui n’est pas ton genre ! Du coup, l’immersion c’est pas le méta-game, ce n’est pas possible d’associer les deux pour toi ?

Dans tous les jeux, il y a toujours un peu de méta-game, c’est obligatoire, juste le fait de lancer les dés et de le demander, c’est du méta-game. Faire des apartés hors narration aussi. Mais c’est la réduction du méta-game au maximum pour justement ne pas sortir de l’immersion, donc de son rôle. Ça correspond pour moi plus à des systèmes simples, plutôt qu’à des systèmes très velus, avec beaucoup de règles, où le côté ludique est plus mis en avant. Dans ces cas-là on est plus dans un jeu ludique, avec plus un intérêt de voir les limites du système, chercher comment faire un meilleur personnage, plus que de la narration d’une histoire et du personnage dans l’histoire.

Pas de Pathfinder V2 et d’immersion associée ?

C’est plus compliqué, après s'il y a  toujours un peu d’immersion. Je vais être un peu méchant, même dans les jeux de plateaux, il peut y avoir de l’immersion. On peut prendre un Pandemy Legacy et avoir un peu de zeste d’immersion dans le fait où il y a une narration et une histoire. Mais effectivement c’est pas la même chose qu’un jeu où le système est très simple et où l’intérêt ça va être plus l’histoire et les personnages que les règles.

Tu dis histoire, tu dis personnages, mais est-ce que dans l’immersion tu te bases exclusivement sur ce qu’ils vivent ou tu cherches même à aller jusqu’à ce qu’ils ressentent ?

Je pense que les émotions dans l’immersion sont importantes. Je sais que c’est pas toujours évident de jouer avec les émotions, que c’est même plutôt compliqué pour certaines personnes, mais je pense que l’intérêt justement de l’immersion, c’est de trouver des émotions que tu peux retrouver dans d’autres œuvres d’art, comme le cinéma, ou la littérature. Et donc je pense que dans le jeu de rôle, l’intérêt de l’immersion c’est de chercher à avoir des émotions, comme la tristesse, le bonheur, des émotions dans les moments épiques, de grandeur, etc. L’émotion est importante, et donc obligatoirement, c’est compliqué pour certaines personnes qui ont toujours peur de montrer leurs émotions ou d’en avoir même.

Un exemple de ça ? Quelle émotion tu pourrais citer en exemple que tu aurais vécu dans une partie ou quelque chose comme ça ?

Typiquement, l’émotion de jouer un héros qui est en perdition dans une scène. Un héros qui commence à massacrer du monstre, et comme je le voyais pas comme ça, j’ai décidé de le mettre en porte-à-faux par rapport à ce qu’on faisait. Et dans la scène ça s’est tellement bien passé, qu’au final, j’en avais les larmes aux yeux tellement je voulais que mon héros apporte de la tristesse et surtout le fait qu’il soit tellement perdu même dans ce qu’il pensait. Pour moi ça a très bien marché, j’ai trouvé ça prenant, c’est vrai que c’est pas des émotions qu’on apprécie tout le temps la tristesse, mais là-dessus, ça a très bien marché. Voilà, un exemple.

C’est super, ça me permet de rebondir facilement du coup : comment on évite le trop plein d’émotions, quand on est immergé ?

Alors, après, c’est à chacun de se connaître soi-même, c’est là où c’est le plus compliqué. Le côté ludique, tu as juste à jeter des dés, et à voir ce que ça fait, ça fait des choses automatiques, et là l’émotion, il faut travailler sur soi-même. C’est comme quand on lit un livre, ou qu’on va voir un film, un bon film d’horreur qui peut amener des scènes qui vont te choquer, parfois c’est un peu compliqué. Après, je pense qu’il faut pas avoir peur de ses émotions, même la colère. Je pense qu’on arrive jamais à atteindre une émotion telle que ça peut te briser, donc il faut laisser aller quitte à utiliser des instruments comme les outils de sécurité émotionnelle, qui peuvent te permettre de prendre de la distance avec tes émotions avant ou au moment où ça déborde. Moi j’avoue, j’arrive assez bien à gérer les miennes, surtout que c’est ce que je recherche donc forcément c’est plus facile, mais je peux comprendre que certains en aient besoin.

Très bien on notera donc que Mass est opposé aux outils de sécurité émotionnelle.

Mais pas du tout ! Au contraire !

Je plaisante évidemment. Trois conseils que tu pourrais donner pour favoriser l’immersion ?

Le lâcher prise déjà. Ne pas avoir peur, de se laisser aller, de jouer comme on le sent, ne pas avoir peur d’être ridicule. S’entourer de personnes bienveillantes, un petit message dédié à Gherhartd. Des personnes dans le même trip, qui veulent connaître des émotions “fortes”.

Beaucoup de gens pensent que jouer un rôle va les rendre ridicules ou autre chose. Je ne pense pas. Je pense que si on se lâche, on peut même rapidement prendre du plaisir. Les conseils c’est : laisser aller, prendre du plaisir et jouer tout simplement. Et ça passera.

À l’opposé du coup, un écueil, un risque à l’immersion, outre la sensation de trop plein d’émotions justement ?

Il faut aussi que les joueurs soient capables, de comprendre que s’il y a du PVP c’est pas entre joueurs, c’est entre personnages. Il y a des fois où ça n’a pas marché, où je n’ai pas compris, où j’ai eu du mal. Dans une de mes campagnes notamment, les personnages n’arrêtaient pas de se contredire, à tel point qu’on se demandait si c’était un problème joueur plus que personnage. Parfois c’est difficile, à savoir ce qu’il en est. C’est la limite principale de jouer en immersion. C’est faire attention que les joueurs n’aient pas l’impression de jouer l’un contre l’autre. Pour moi, la confiance c’est la solution. Il m’est arrivé rarement de me dire qu’un joueur m’en voulait personnellement.

Un dernier mot sur l’immersion, quelque chose que tu voudrais ajouter ou répéter ?

Je sais que c’est assez minoritaire dans notre hobby, mais que moi c’est vraiment là où j’ai pris toute l’ampleur de notre loisir, plus qu’un jeu de rôle plus ludique, qui s’apparente un peu à des jeux de plateaux, je prends du plaisir avec ces jeux, mais c’est pas aussi intense. Quand tu te mets dans cette position de chercher l’immersion, tu vas pouvoir te mettre dans la mouise toi-même. Sans qu’on t’y oblige, sans qu’il faille lancer un dé pour savoir si tu es dans la mouise. C’est presque naturel, puisque tu vas le jouer par rapport à ton rôle. Si ça peut te mettre dedans, mais que dans la scène ça peut avoir un ressort émotionnel, ou être lié à ton personnage, quitte à ce que ça soit une émotion négative, et bien tu vas le jouer. Bien sûr, il faut que la table soit coopérative, avec une certaine forme de complicité. Les gens qui jouent contre le MJ ou contre le jeu, là c’est sûr que c’est une forme différente de jeu, le but c’est de gagner. L’immersion est là pour se faire plaisir, raconter une bonne histoire, cohérente, sympa pour toute le monde, du moins c’est comme ça que je le vois.


Voilà, la retranscription de l’interview est finie. N’hésitez pas à répondre en commentaire ici ou à venir en discuter sur le Discord Casus-No !

J’en profite pour faire un petit teasing : Prochaine interview de Mass à venir sur le sujet “On joue toujours un peu de la même manière !”