Sécurité émotionnelle en jeu de rôle et politique

Arrêtez de ramener de la politique en jdr, on est pas là pour ça, ça gâche le jeu !

Réaction à la sécurité émotionnelle. Cette réaction est politique. J’ai souvent été tenté de le souligner, de répondre « c’est toi qui amène de la politique, eh ! » Mais, au fond, est-ce que l’action qui provoque la réaction, celle d’amener la sécurité émotionnelle en jeu de rôle, l’est ? Est-ce que le ou la réactionnaire n’a pas raison ? Mon envie est de dire non. De pouvoir dire non. Mais je me trouve forcé de dire : oui. Oui, la sécurité émotionnelle est politique. Et de le revendiquer.

Les explications de la sécurité émotionnelle parlent souvent de l’utilité, voire de la nécessité, d’installer ces mécanismes en jeu de rôle. En le justifiant par les spécificités de l’activité, du média. Parce qu’on ne sait pas où le jeu va aller. Parce qu’on ne sait pas nécessairement à quoi on s’engage. Parce qu’on s’y implique profondément. Parce qu’on ne sait pas comment on va réagir. Parce qu’il y a une pression sociale pour poursuivre l’activité. Une explication quasi mécanique du besoin de cette approche.

Bullshit !

Rien de tout cela n’est spécifique au jeu de rôle. Vous pensez qu’on ne peut pas être blessé de la même manière (ou pire), que ces mêmes éléments ne sont pas présents, par exemple en regardant un film avec des connaissances ? En devant participer à un jeu de société avec sa classe ? En tenant une simple conversation avec ses collègues ? Ou lors d’un repas de famille ? Tous les éléments de danger émotionnel sont là, les risques se réalisent, les blessures sont faites. Personne (ou presque ?) n’y parle de sécurité émotionnelle.

(Note tout à fait en passant : comme pour le jeu de rôle, il existe de plus des situations qui sont du point de vue émotionnel toxiques, dans lesquelles le risque est aggravé, et d’autres encore qui sont perverses, dans lesquelles cette aggravation est recherchée.)

Si j’amène de la sécurité émotionnelle en jeu de rôle, ce n’est finalement pas à cause des spécificités de l’activité. Mais c’est parce que je désire des situations où nous sommes prévenants, attentifs aux autres et à leur bien-être. Cela plutôt que des situations où nous y sommes indifférents, où nous encourageons les autres à cacher leur inconfort pour ne pas nous en créer, voire des situations où créer cet inconfort est valorisé. En particulier dans mon loisir, dans ma passion. C’est un souhait que cela se passe comme cela en société, que je concrétise là où je le puis, là où j’ai une prise, là où ce discours est audible. C’est la revendication d’une manière de fonctionner. C’est à la fois pratique et militant.

« Prenons soin les uns des autres. Soyons attentif au bien-être de chacun. Les personnes sont plus importantes que l’activité ». Oui, c’est politique. Ne nous voilons pas la face. C’est bousculer le statu quo, c'est combattre les normes sociales réelles dans lesquelles nous vivons, c'est défendre une série de valeur contre d'autres. Et c’est très bien.

Avec un peu de chance, c'est ouvrir la voie pour que cela s'étend au-delà du jeu de rôle.

Remerciements

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