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Cet article est le fruit d’un travail à quatre mains (celles de Mass et les miennes) pour partager notre expérience et nos astuces.

Ce texte a deux buts : D’abord, parler du mythe de l’importance de la concentration en jeu de rôle. Ensuite, partager quelques astuces qui marchent pour nous, quand nous sommes déconcentrés et que nous voulons tout de même rester dans l’ambiance et faire autre chose.

Rester concentré en JDR, souvent, c’est considéré comme normal. Voire comme une nécessité. Parfois même comme une qualité essentielle de joueuse. Comme si ce loisir imposait de rester “dedans” ; de rester “focus” toute la partie, qu’elle dure 2 ou 10 heures ; de tout donner à fond. Et, c’est d’ailleurs, une partie importante des critiques faites au jdr distanciel : on ne peut plus voir si les gens sont concentrés. (Cela dit, que celleux qui n’ont jamais, autour d’une table physique, fait de dessins sur leur feuille ou empilé les dés lèvent la main !)

La question de faire plusieurs choses à la fois est un débat scientifique depuis longtemps. Ainsi s’il a été prouvé que ça a tendance à fatiguer plus rapidement les individus (passer rapidement de tâche en tâche sur une longue période de temps entraîne une sur-consommation de glucose [https://www.science-et-vie.com/cerveau-et-intelligence/pourquoi-le-fait-de-reflechir-fatigue-t-il-autant-11436]) et que ça peut avoir des incidences nombreuses sur le moral ou l’efficacité (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4561751/#B93), certaines études démontrent également que les sujets de ces études qui ont le plus d’habitude à l’utilisation parallèle de médias (téléphone en regardant la télé par exemple) ont une plus grande efficacité en matière “d’intégration multi-sensorielle” c’est à dire de reconnaissance et d’intégration des visuels et du son (en l’espèce des couleurs et formes visuelles) (https://www.springer.com/about+springer/media/springer+select?SGWID=0-11001-6-1376322-0). Une autre étude de floride, ayant analysé l’efficacité du cerveau à résoudre des tests cognitifs pendant que le propriétaire du dit-cerveau soit faisait du vélo soit était assis sur une chaise, a pu constater que le propriétaire du dit-cerveau produisait les mêmes résultats dans les deux cas, mais pédalait plus vite de surcroît (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25970607/). A priori, selon les études, les tâches les plus adaptées à cela sont les tâches qui ont peu d’interférences entre elles (http://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1111/1467-9280.00318) c’est à dire qui vont dans la même direction finale (ou avec une des plusieurs tâches qui ne demande que peu de concentration). Et pour finir, pour l’égo, si vous pensez faire plusieurs tâches en même temps, et pas une tâche unique, vous augmenterez votre productivité. (https://www.researchgate.net/publication/325795325_The_Illusion_of_Multitasking_and_Its_Positive_Effect_on_Performance).

Et si on parle de concentration, le test de Mackworth ( https://en.wikipedia.org/wiki/Mackworth_Clock ) donne une durée de vigilance optimum de 30 minutes après lesquelles les erreurs se multiplient (des erreurs radars en l’espèce).

Alors voici notre question : Pourquoi ? Pourquoi les gens devraient rester concentré·e·s en jeu de rôle plus qu’ailleurs ? Doit-on être toujours à 100% pour être des joueuses agréables et concernées ? Nous pensons que comme toute obligation, comme toute phrase impérative, elle est excluante par nature. Aujourd'hui, nous nous sentons exclus par cette obligation. Nous avons mis du temps à nous rendre compte que ce n’était pas un défaut insurmontable, que nous pouvions quand même jouer même si nous n’étions pas pleinement concentrés, voire que nous pouvions prendre plus de plaisir à jouer en étant partiellement concentrés de temps en temps, relâchant notre attention et pleinement concentrés le reste du temps.

Parce que c’est comme ça, pour nous : nous aimons, et avons besoin de faire plusieurs choses à la fois. Plus choquant : Il nous est déjà arrivé de faire autre chose pendant une partie de jeu de rôle. Encore plus choquant : Il nous est déjà arrivé de jouer à un jeu vidéo ou jeu de société (qui ne demandent pas une grande concentration, genre course de voitures peu exigeante) pendant une partie de jeu de rôle en ligne. Encore encore plus choquant : Nous avons d’autant plus apprécié la partie de jeu de rôle qui se déroulait en même temps. Impossible de savoir pour celleux autour de la table, mais nous n’avons pas constaté de changements..

Nous pouvons comprendre le côté choquant, puisque nous l’avons mal vécu nous même pendant longtemps, presque honteux de faire ça. D’ailleurs, posons une chose : le fait de ne pas être pleinement concentré en permanence, voire de faire autre chose n’est ni lié ni à la qualité des joueuses, ni lié à la qualité du MJ, ni lié à la qualité de la séance. C’est nous et nous seuls qui en avons besoin. Personne autour de la table n’est responsable.

Nous pensons d’ailleurs que ce que les autres joueuses et MJ n’aiment pas, ce sont les joueuses inattentives, qui font autre chose sans écouter, sans rester dans l’ambiance. Et nous espérons que d'autres joueuses et MJ comprendront que les niveaux de concentration sont variables selon les individus et que cela n'affecte pas obligatoirement leur intérêt ou leur pro-activité dans la partie.

Voilà, nous avons partagé notre expérience sur la concentration, maintenant nous pouvons partager notre expérience sur des techniques qui comblent cette partie de nous qui a envie de faire autre chose, tout en ayant le bonus de rester dans l’univers de jeu, quand notre personnage n’est pas acteur dans une scène (ou en retrait), car c’est souvent là que ça se manifeste :

  • Prendre des notes :

    • Retracer toute l’histoire, ou non, prendre le nom des PNJs importants, écrire quelques lignes sur les dossiers en cours, les sensations de son personnage dans telle ou telle scène, ses sentiments vis à vis des autres membres du groupe, et plein d’autres exemples, ce sont des choses qui permettent, à nous, de continuer à être dans l’univers de jeu, tout en ayant l’impression de faire un petit peu autre chose.
  • Adapter le board :

    • Particulièrement valable pour les boards libres comme Miro, et un peu associé à la question de prendre des notes, il est possible d’ajouter/proposer des images pour les lieux en cours, les PNJ, les petits détails. Comme il est possible de faire des liens, ajouter des post-its, proposer des hypothèses sur des liens ou des enquêtes par le biais de petites fiches.
  • Parler par écrit

    • Au lieu d’intervenir oralement, il est plus intéressant d’intervenir de façon écrite (en partie en ligne). Ça permet de rester dans la partie et donner son avis, sans casser le flow de la scène. Ça peut aussi permettre de donner quelques petites informations ou de rappeler que le personnage est présent (s’il est en retrait).

    • A l’occasion, rien de mieux qu’un bon GIF ou une bonne phrase dans le canal écrit adéquat pour exprimer ses petites blagues, méta ou non. Chercher le bon GIF fait sortir légèrement bien sûr de l’histoire et il faut des joueuses qui apprécient quelques petites blagues méta dans le canal adapté, mais avec une bonne équipe qui en rigole aussi, on ne bloque pas le jeu, on fait légèrement autre chose et on est reparti. A noter que c’est aussi l’occasion de préciser que telle ou telle scène vous plaît particulièrement, un petit cœur est toujours apprécié et appréciable.

  • Vérifier votre personnage :

    • Particulièrement classique mais toujours utile : se baser sur les forces et faiblesses de votre personnage. Ce n’est pas qu’un contrôle technique, ça peut même ne pas l’être, mais c’est toujours l’occasion de vérifier si les données techniques ou l’historique ou le concept ou les traits saillants de votre personnage sont toujours d’actualité avec ce que vous jouez, avez envie de jouer.

    • C’est peut-être aussi l’occasion de préparer quelques coups d’avance : la prochaine fois que votre personnage mettra sa relation avec un autre en valeur, la prochaine faiblesse qu’il montrera, le prochain coup d’éclat qu’il tentera.

    • Il est aussi possible d’en profiter pour revérifier les aides de jeux.

  • Chercher de la musique :

    • Certain·e·s MJ sont rigoristes sur la musique et ont déjà leur playlist toute tracée. Mais toutes et tous ne sont pas comme ça et il est toujours possible de chercher de la musique qui correspond, que le.la MJ ne connaîtrait pas et lui proposer à la fin de la séance, voire en cours de séance, voire le mettre dans la liste des musiques à venir, si vous utilisez un bot vocal. Il est même possible de créer une playlist sur Youtube avec toutes les musiques utilisées par le MJ mais qu’il n’a pas mise en playlist lui-même. A noter que si vous n’aimez pas la musique qui passe, ça peut servir de remplacement également d’avoir votre petite base de musiques qui vous plaise.

Et vous, vous faites quoi ?

AsgardOdin et Mass